Quotidien extravagant et oublié, celui d'une routine apaisante pour un esprit en proie aux cauchemars incessants. Retrouve peu à peu son rythme d'antan et les émotions réprimées comme un doux et chaleureux brasier pour son poitrail jadis gelé. Et il y avait sa fille effervescente, revenue des abysses pour illuminer les ténèbres ayant enseveli ses pensées assombries depuis son retour, les pupilles voilées d'incertitudes et de confusion chamboulée. Mais depuis, quelques marques retrouvées, phare-foyer toujours debout malgré les siècles ensevelissant les propriétaires et leur tragédie accumulée. Plusieurs années sans que le luminaire des marins ne guide les éperdus sur leur chemin. Car la progéniture se devait elle aussi, de tracer sa route hors de l'échine noire fulminante de nervosité. Aparté achevé, car la vie semble avoir retrouvé son chemin à travers les interstices des briques millénaires du bâtiment séculaire. Une normalité qui l'embaume tel un remède à ses maux.

Affres du temps s’impose cependant, car la source lumineuse du phare du rivage tumultueux de l’échine noire ravageuse avait besoin d'une mise à jour fonctionnelle pour reprendre son service salutaire. Remplacement des mèches nécessaires sous l'habitacle de verre. Usées par les heures amassées de ces dernières années, mécanisme se devait d'être remplacé avant de reprendre son activité. A ses côtés, son héritière à qui son aide a été demandée. Une aide de principe, ne souhaitant qu'être en sa compagnie lorsqu'elle n'était pas occupée à vagabonder sur les eaux enragées. Ouverture minutieuse du système optique ayant survécu aux émois de l'inexorable chronos faisant défiler les saisons à un rythme effréné pour les mortels de ces contrées. Sous leurs yeux s'établissent alors les multiples mèches concentriques, la source de lumière sans qui le phare perd de son utilité. Sans qui l'huile ne peut enflammer et guider les marins au-delà du brouillard des nébuleuses nuits. Or, les malheureuses cordelettes aux fibres tordues nécessitent un changement régulier pour d'autant plus d'efficacité. « See, those wicks have known better days. » like myself. Pensée vite ravalée pour le bien de leur avancée. Baisse les yeux vers sa fille, œillade attendrie en précurseur de son service à demander. « I will need more. Can you please go down and bring me some ? » Défilé de la soixantaine de marches laissée au soin de la fougueuse jeunesse lorsque le plus âgé reste au sommet du monde tel l'aîné surplombant sa fidèle disciple tant aimée. « If you can't find any in the drawer, look in my jacket pocket. » Mugissant exclamation à travers la cloison, présupposant l'ouïe fine de sa fille aux sens surdéveloppés.

Les minutes s'écoulent. Ne perçoit aucune remontée de sa fille sachant où trouver le nécessaire, pourtant. Patience légendaire se mue en attente intrigante. « Alaois ? » appelé en haussant la voix par-delà la porte entrouverte, laissant la vision du perron descendant vers le logis au rez-de-jardin enseveli. La montagne courbée redresse l'échine, débris surgissant au milieu des amoncellements éparpillés. Pressentiment troublant anime l'instinct du vieux kraken soudainement perplexe. Délaisse travail en cours pour descendre les escaliers en colimaçon l'amenant au foyer retrouvé. « Alaois ? What's taking you so long ? » Cherche du regard sa fille jusqu'à apercevoir sa silhouette le dos tourné, ignorant le trouble menant à ce silence déconcerté.

@Alaois Murtagh
[crédit; icon (c) lux, code (vixen)]

Pendant cinq longues années, elle avait pris soin du phare de l'Échine Noire comme si cet endroit était une extension de son âme. Pas vraiment un mensonge, quand on sait qu’il était tout ce qu’elle avait jamais considéré comme foyer. Pourtant, le père explique étape par étape le changement de ces mèches lumineuses, le geste délicat de l’homme appliqué. Alaois ne le quitte pas des yeux, alors qu’elle pourrait faire ça même dans son sommeil. Elle observe les mains vieillies, qui tremblent désormais quand il dévisse le verre protecteur. Alaois ne s’y habitue pas encore, la façon dont sa seule famille a pu autant changer, tout en restant le même. Les yeux fermés, Laird Murtagh pourrait avoir traversé le temps sans dommage, la tête haute et la main tendue. Mais quand elle accepte de regarder, il est homme brisé, vieillesse et malheur abattus sur des épaules qui ont trop porté.
“okay daddy,” qu’elle dit simplement, parce que c’est devenu addictif. Pouvoir à nouveau appeler ce père disparu trop longtemps. Alaois descend les escaliers deux par deux, la main sur la pierre humide de sel. Depuis qu’elle l’avait retrouvé, la cartographe passait presque toutes ses permissions au fin fond de Cover Island, incapable de passer son temps libre loin de sa famille. Oh, le Marauder avait bien une place particulière dans ce cœur trop grand, mais Laird Murtagh représentait la vie qu’elle avait toujours espéré. Là, en boule dans son lit trop froid, trop vide, elle avait prié et prié et prié les dieux de le lui ramener. Nighe, roi des abysses emprisonne les âmes au fond des eaux, garde les marins sous la mer pour les noyer éternellement. please, just this time, bring me my dad back. i’ll offer anything; everything. Mais rien n’avait changé. Alors parfois, quand elle avait été certaine d’être seule et que personne ne l'entendait, seul le souffle de la nuit, c’est Orcus qu’elle appelait. Oh, il le lui avait défendu tant de fois, de prier les dieux bannis, blasphème terrible du serment de l’encre. Mais Alaois a été une enfant désespérée, et Orcus l’avait écoutée.

her dad was back.
Orcus brought him back from oblivion, and now when she swam, jellyfish always seemed to follow her path.

L’enfant finit par trouver la vieille veste du père, la reconnaît parfaitement malgré l’usure du cuir. Lui fouille les poches, et s’attend à trouver la corde quand ses doigts frôlent un parchemin plié nerveusement. La curiosité est un vilain défaut mais pas un qu’on lui avait réprimé. Alors Alaois le sort du manteau, et sans vraiment réfléchir, l’ouvre naturellement. N’imagine rien trouver, peut-être quelques notes d’une mémoire qui semble lui faire défaut, ou bien une liste de course pour ne rien oublier au marché d’à côté.
Tout, sincèrement, sauf la menace qui se déroule sous ses yeux.

thought you could escape the past,
but everywhere you go, i’ll find you
and, silver, slayer of sirens, you will pay for what you’ve done.

N’entend pas la voix familière qui l’appelle du haut de la tour, se rapproche, inquiète de ne pas avoir de réponse. Alors quand le père arrive à ses côtés, encore inconscient de ce qu’elle vient de découvrir, Alaois ose à peine lever les yeux. slayer of sirens. slayer of sirens. slayer of
“what is this, dad?” qu’elle murmure. “who is silver?”

@laird murtagh
[crédit; pinterest]