Fleur de l’oubli, souvenirs effacés pour l’espace de quelques heures salvatrices, loin des démons ravageant la cervelle des traumatisés. Nouvel elixir à constituer, créer, tester. Nouveau remède, du miracle contenu dans de petites fioles. L’esprit cavale, compile les possibilités et les bienfaits d’une future concoction pas totalement maîtrisée. La plante seule suffisait en terme d’efficacité, mais qu’en était-il de la conservation ? Serait-elle aussi miraculeuse sous forme sèche ? Combien de temps pourrait-on garder la décoction ? Des heures, semaines, mois entiers ? Quelle quantité à ingérer et quelles en seraient les côtés néfastes ? Les phalanges caressent le croquis présent dans le carnet, en mémorisent la forme des pétales, le nombre de ses sépales, les rebords de ses feuilles. « Blomgren ! » Voix masculine à demi-familière l’interpelle, et l’étrange gamine relève ses yeux rêveurs sur le marin qui gronde à moitié. « I know you're not from the crew but I need your help, yeah ? I’ll repay you for this. We need a medic, Stark fell and broke his leg I guess. » Gamine opine, range carnet dans sa besace. « Is there a name I should ask for ? » Qu’elle questionne en s’enroulant dans sa cape, déjà prête à caracoler au milieu du brouillard. « Ask for Elil. »


La minuscule silhouette éthérée se faufile parmi les badauds, pirates et autres raclures parcourant les ruelles perdues au milieu de la brume sempiternelle, pourrait presque détonner dans le paysage si elle n’avait été qu’humaine. Sauf que le regard trop bleu, trop océanique, bien trop grand dans le visage poupin, trahit la nature à semi-marine de la Néréide. La cadence ralentit, alors qu’elle se retourne, se pense presque perdue avant de redemander son chemin à un inconnu et de disparaître de nouveau dans la foule avec un sourire plein de gratitude. La petite échoppe ne tarde pas à se dessiner, et la foulée s’accélère de nouveau.

« Hello ? » que zinzibule la gamine. La question en guise de salutation, alors que le regard se perd déjà sur les étagères remplies de milles et uns mystères. Les phalanges qui démangent de s’approcher des merveilles.  « Someone got hurt, not a mortal wound per see, so the lagoon won’t help us. The man’s got a broken leg, and the bone needs to be reset, I think ? » Récitation parfaite d’un rapport écrit qui ne verrait jamais le jour. Presque professionnel, si on en oubliait le visage encore poupon et ses yeux trop grands. « People told me to come here and ask for someone named Elil, that they were one of the best healer that I could find. » Regard s’arrache enfin de l’échoppe pour essayer de trouver la personne possédant les lieux, un employé, ou ne serait-ce qu’un autre client capable de la guider.

 @Elil Hedersett
[crédit; quotes ("on loving an optimist" de clementine von radics)]

Peut pas s’empêcher de râler en voyant l’état des mnésiblanches qu’on lui avait apporté, commandées spécialement pour une cliente. Celle-ci voulait absolument se procurer un mélange qui permettrait d’effacer de la mémoire du mari l’adultère. Tant qu’on avait de quoi la payer, posait pas de questions. Nombre de femmes venaient la voir pour éliminer la présence du conjoint, et Elil se débrouillait toujours pour trouver un moyen de faire cela le plus discrètement possible. Simuler une mort naturelle était étrangement dans ses capacités, enseignements récupérés de vieux recueils médicinaux de sa mère. Comme quoi, sans doute rêvait-elle d’un jour s’en servir, mais son propre équipage avait eu raison du capitaine Jeffrey.
Evidemment, pas son seul champ d’expertise, bien qu’il s’agissait d’une importante part de ses demandes. L’autre se partageait entre interruption de grossesses et soin médical. Depuis le temps qu’elle s’était installée sur Barter Bay, l’échoppe avait suffisamment de renommée pour qu’elle ne cherche pas la clientèle. Alors cet après-midi là, quand elle entend la cloche sonner dans son entrée, Elil occupée à pester dans son arrière-boutique pleine à craquer, rien ne pourrait distinguer cette arrivée d’une autre.

Tandis qu’elle enroule ses fleurs esquintées dans un tissu pour les protéger, entend les explications de la jeune fille sur cet homme à l’os brisé. Peut pas s’empêcher de sourire au compliment; one of the best healer that I could find. Décide enfin de sortir de sa cave, passe la porte pour déboucher dans la pièce principale, où s’entassent des étages d’herbes séchées, de fioles aux nombreuses vertues ou encore des instruments de préparation sur des étages au bois inégal. ≪ That should be me. ≫ Peut pas s’empêcher de répondre, sourire satisfait s’étire sur ses lèvres; jusqu’à ce que le visage de la belle se dessine enfin. Ses traits lui sont si familiers qu’elle sent le bout de ses doigts tressauter. L’arrondi de ses yeux, l’unique fossette qui lui creuse la joue, cet air préoccupé qui ne quitte pas son visage.




Pas ici, et surtout pas maintenant. Avait toujours réussi à mettre cette vie de côté. Alors l’information qui essaie de se frayer un passage, elle la repousse pour l’enfouir si loin qu’elle n’y repense pas. Cette fille n’était que de passage, et beaucoup de monde pouvait rassembler ces traits qui lui étaient si communs. ≪ You’d have to bring him here. Do you need help, maybe ? ≫ On ne pouvait pas dire qu’il y avait foule ce jour-là mais elle ne put s’empêcher de lui proposer son aide. Comme une envie irrésistible d’accéder à ses demandes. What the fuck are you doing, Elil ? Elle aussi aurait voulu avoir la réponse, mais quand la jolie blonde hoche la tête, elle a déjà ses clés en main. ≪ After you, then. ≫

@Zora Blomgren
[crédit; pinterest]

Le sourire s’accentue, décore ses joues d’une fossette qui la damne sans même le savoir, alors qu’elle se retourne en direction de la voix indubitablement féminine. La néréïde n’a pas la moindre idée de l’ironie du destin qui s’amuse à faire croiser leur chemin, n’imagine pas un seul instant le trouble que son apparence suscite. Céruléennes rencontrent leurs semblables, une autre kraken, à n’en pas douter. La mission semble se couronner de succès alors que la silhouette se dévoile. « It’s nice to meet you. »  Les bribes de politesse lui reviennent alors qu’elle incline légèrement la tête. Aussi étrange puisse-t-elle paraître, au moins ne pourra-t-on pas l’accuser de ce genre d’impairs. « You’ve got a great collection of concoction, it’s truly amazing ma’am. »  Les paroles qui continuent de s’écouler sans qu’elle ne cherchent véritablement à les contrôler, filtre entre cervelle et ses lippes passablement oublié, une vieille habitude dont elle a parfois du mal à se débarrasser.

Mais déjà, le véritable sujet de sa venue revient sur le tapis et la gamine opine du chef. « Yes, please ? »  qu’elle ose demander, le regard plaidant une cause pourtant déjà conquise. « I don’t really have that kind of strengh. »  Plutôt taillée pour l’agilité et la discrétion, les membres trop fin pour parvenir à soulever un homme adulte blessé et le ramener jusque l’échoppe. « And I think the men would listen more to you.  They know of your reputation, so they will trust your words. »  Les épaules se haussent, ponctue une finalité qui n’a pas vraiment à voir avec son statut d’apprentie herboriste. Aux yeux des marins, elle n’est qu’une enfant, de ces êtres à peine sortis de l’adolescence, pas vraiment adulte. De ces étranges créatures dont on ne sait trop que faire, avec un monticule de connaissances bourrés dans le crânes, mais aux traits bien trop innocents et encore arrondis par la jeunesse pour qu’on ne sache vraiment les prendre au sérieux. « That’s really nice of you, thank you ma’am. »  

La petite sorcière se glisse de nouveau dans la brume, guide leurs pas jusqu’à l’embarcation où se trouve le blessé. « I couldn’t give him anything, to help him with the dolor. I didn’t want to risk any kind of interaction with wath you have in store. »  Donne les dernières bribes d’informations qu’elle possède et qui pourraient aider la guérisseuse. « And they just send me to fetch you as quickly as I could. »  Gamine zigzague entre les marin sur le pont ramène pour la ramener vers l’homme allongé dans sa couchette. « Hello Stark, the Healer’s here. »  qu’elle interpelle en douceur.

 @Elil Hedersett
[crédit; quotes ("on loving an optimist" de clementine von radics)]

Bandoulière pleine déjà sur l’épaule, toujours prêt en cas d’urgence, de quoi calmer avant soins plus importants. Ferme la porte grinçante derrière la belle demoiselle, qui s’empêtre dans ses explications. Et puis se reconnaît dans la confiance pas encore instaurée sur les qualités qu’elle pouvait présenter; à beau dire qu’elle soigne, si on imagine connaître meilleur, on demande ailleurs. Peut pas s’empêcher de soupirer, toujours trouvé ridicule de pas donner sa chance; peut-être à voir avec un père pas capable de voir son talent. ≪ you’re gonna help me, sweet thing. ≫ pas question de la laisser simplement regarder, aura de toute façon besoin de l’assistance disponible. Lui fait signe de la guider, et traversent les rues au son des explications; demande le prénom de son envoyée. Zora. Quatre lettres, comme une tradition perdurée sans qu’elle n’en ai jamais eu connaissance. Ça sonne doux, ça sonne si bien. ≪ you did well. this man’ll suffer, and he needs somethin’ strong enough. ≫

Le port est bondé et obligée de rester proche pour ne pas la perdre. Montent sur une vieille bicoque, pont recouvert d’un bazar sans nom, nombre de marins blessés, sait pas vraiment c’qui a bien pu se passer mais semblent bien contents de voir débarquer les guérisseuses. Ne vient que le fameux Stark, quand s’agit de l’homme, attend compensation financière. C’est d’ailleurs la première chose qu’elle demande au marin qui les attend de bien ferme, pas très en forme mais bien debout; how much? réclame cinquante solarions, qu’on lui donne en pestant l’arnaque. Bien sûr, mais ont-ils d'autres choix ? S’agenouille à côté du blessé, ordonne d’un regard à Zora d’en faire de même. Lui tend concoction de pavot et d’iniuriam, mousse connue pour ses forts effets anesthésiants. ≪ two drops or he’ll never feel his body again. ≫ sent le corps du blessé se tendre à cette idée et peut pas retenir son sourire; l’avait bien sûr fait exprès.
Os brisé dans un angle qui aurait dû les répugner — semblait en avoir éloigné déjà bon nombre — mais s’est déjà approchée pour examiner. La jambe aura du mal à cicatriser, éclats imprégnés dans la chair et cassure sale. Rien de net, sait déjà que ça sera long. Peut-être même qu’il ne s’en remettra jamais vraiment; mais ne vaut pas le coup de le préciser quand il se prépare déjà au pire. Le marin à la tête dodelinante, semi-coma qui apaisera sa douleur. Morceau de cuir entre les dents, Zora avait pensé à protéger sa langue qui aurait pu en faire les frais. ≪ hold him. he’ll feel pain even with the concoction. ≫

one,
two,
mouvement brusque qui arrache un cri au blessé; os replacé aussi droit qu’il est possible. Craquement lugubre qui arrache grimace aux non-initiés. Lève les yeux vers l’assistante; n’a pas cillé. Étonnante stabilité, mains appuyées sur les épaules du marin, plaqué au sol incapable de bouger. Rictus satisfait s’affiche sur ses lèvres; cette fille-là avait de quoi en revendre. just like you. you just have to trust her.

@Zora Blomgren
[crédit; pinterest]