Or did I invent him? Mischief companion. Brother. Listen to me / plead for your life though even in the dream I know you’re already dead. / How do I insure my desire for grief is never satisfied? Was Priam’s ever? / I tell my friend, I want the page itself to burn.

DERNIER-NÉ MALADIF D’UNE DYNASTIE AVORTÉE, le feu éteint de tes ancêtres a signé la fin de la prospérité pour des parents dépassés par les événements. La peste, la pauvreté et la mort arrachent un à un tes adelphes du logis familial pour abandonner le droit d’aînesse au suivant, jusqu’à ce qu’il ne reste plus que trois d’entre vous : ta soeur Ellili, ton frère Marai, et toi-même, Arumai. Lorsqu’une peste mystérieuse menace de prendre ta sœur, tu t’en tiens à la vente de bibelot pour payer ses médicaments, mais marai veut prendre les choses en main. Pas aussi discret que toi, il se fait prendre la main dans le sac : avant que le mandat d’arrêt ne te le retire, comme tous les autres t’ont été retirés, tu prends sa place et deviens Marai, le temps d’une incarcération. Le barreau, la cellule, la prison, tu en fais fi, mais trop tard. Ellili a succombé à sa consomption, sans manquer avant sa mort de transmettre le mal funeste à votre frère. Leurs corps emportés à la fosse commune, tu suis le cortège funéraire la mort dans l’âme, à jamais enterré dans le nom de ton frère. Au début incapable d’envisager d’autres alternatives qu’une ultime imitation, la flamme familiale de la cour des miracles vient réchauffer tes idées. Le substitut apparaît pâle, mais gagne en couleurs d’année en année, sans pour autant que tu n’y oses révéler le fardeau de ton identité volée. Une enfance sauvage dans la campagne, avec ta famille pour seule compagnie, a fait de toi une bête à moitié formée, connaissance intime des bassesses de la survie et pourtant incapable de naviguer les négociations mondaines du quotidien citadin. La parlotte t’agite plus qu’elle ne te rassure, la nature t’a trop habitué à défendre ta vie en fuyant ou en te battant. Tu ne trouves ton aise que sur scène, face au monde, quand il ne s’agit pas de répondre mais d’époustoufler. C’est la seule chose que tu sais faire, la seule chose que tu as jamais fait ; la difficulté d’une escapade n’est pas de déverrouiller des menottes, mais d’avoir l’air de galérer. Facilement charmé par les autres, mais trop souvent mal à l’aise hors-scène, de tes paroles disgracieuses, de ton physique comiquement démesuré, tu te retires le plus souvent dans le silence et l’observation, au risque de passer pour un étranger mal élevé. C’est, après tout, la plus gentille chose qu’on puisse dire de toi : car au plus profond de toi, il y a quelque chose qui ne va pas. Quelque chose qui remonte plus loin que le prénom de ton frère, que la disparition de ta famille, que le miracle maudit de ton existence prolongée. Cette conviction te rend anxieux, et constamment inquiet. La seule illusion qui te sauve d’un désespoir complet est le chant permanent de la cour, sifflotant toujours dans un coin de ta tête.